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Catégorie : Actualité (Inde)

Rubrique actualité de l'IndeEncore victimes de ségrégation dans certaines parties de l'Inde, les dalits font encore aujourd'hui l'objet d'humiliations et de mauvais traitements qui résistent visiblement à des lois les condamnant, et à une discrimination positive censée mieux les intégrer à tous les niveaux de la société indienne. Le parlement européen s'en émeut et adopte une résolution, volontairement alarmiste, à l'attention de Delhi...

Présentation en préambule de la Résolution B6 0021/2007 du Parlement européen sur la situation des droits de l'Homme des Dalits en Inde

Ils sont souvent agressés et parfois même assassinés. Près de 167 millions d’entre eux, les Dalits - appelés aussi les "intouchables" que Gandhi avait rebaptisé "haridjan" (le peuple de Dieu) - souffrent de discriminations physiques et sociales en Inde, la plus grande démocratie au monde. Le Parlement européen a adopté une résolution appelant à les protéger.
Difficile parfois d’appréhender, pour nos sociétés occidentales, le système inégalitaire de castes, vieux de 3000 ans et qui régit encore les relations sociales en Inde. Car la société hindoue a pour tradition séculaire de définir la place des individus en fonction de leur naissance. Elle est divisée en quatre castes, basées sur la profession de ses membres : les Brahmanes sont enseignants et prêtres ; les Kshatriyas sont guerriers et administrateurs ; les Vaishyas sont fermiers, marchands, gardiens de troupeau et hommes d'affaires ; et les Shudras serviteurs et ouvriers.
 
Les Dalits ("défavorisés"), descendants des premiers habitants de l’Inde, n’appartiennent à aucune de ces castes et sont souvent méprisés par les castes plus élevées. Depuis des siècles, ils subissent l'opprobre dans leur vie quotidienne.
 
3000 ans de discriminations envers les intouchables
 
Les intouchables vivent séparés physiquement et socialement des autres, ils subissent l’exploitation, la violence et l’injustice devant la loi. Ils ont un accès limité à la terre, à l’emploi, à l’éducation et la santé. On compte en moyenne 2 agressions à l’encontre d’un intouchable chaque heure, 3 viols de femmes Dalits chaque jour et 13 meurtres chaque semaine.
 
Un sinistre décompte qui souligne que la plus grande démocratie du monde, l’Inde, n’a pas encore totalement réussi à garantir la protection légale et les droits fondamentaux des Dalits. Pourtant, le système de castes est officiellement aboli depuis la première Constitution de l’Inde indépendante, en 1950. Un Président Dalit a même dirigé le pays entre 1997 et 2002. Mais les députés européens ont estimé, dans une résolution adoptée le 1er février dernier, que des efforts devaient encore être fournis.
 
Les députés européens appellent à mieux protéger les Dalits
 
Le ton utilisé dans la résolution (jointe okus bas) a déplu à plusieurs députés européens. Néanmoins, la résolution a été adoptée en plénière, spécifiant que « la mise en œuvre des lois protégeant les droits des Dalits demeure très largement insuffisante » et demandant au gouvernement indien « d'améliorer le système judiciaire indien afin de faciliter le dépôt de plaintes contre les auteurs de crimes et délits à l'encontre des Dalits ». De plus, le taux de condamnations des auteurs d’agressions envers les Dalits est jugé trop faible par les députés, qui appellent donc à l'améliorer.
 
Mais pour les députés européens, l’Union Européenne doit elle aussi s’engager concrètement sur le problème des discriminations basées sur les castes, en l’abordant avec le gouvernement indien, "notamment dans le cadre des sommets UE-Inde ». Ils attendent également des programmes de développement de l'UE en Inde qu'ils incluent des mesures spécifiques pour que les minorités, tribus et castes marginalisées "soient en mesure de combler l'écart criant qui les sépare du reste de la population".
 
Ce n’est pas la première fois que le Parlement appelle l’UE à coopérer étroitement avec l’Inde pour abolir les discriminations envers les intouchables : en 2005 et 2006, des résolutions tentaient déjà de défendre la voix des millions de Dalits.

Résolution B6 0021/2007 du Parlement européen sur la situation des droits de l'Homme des Dalits en Inde

Résolution du Parlement européen sur la situation des droits de l'Homme des Dalits en Inde
Le Parlement européen,
– vu l'audition organisée par la commission du développement le 18 décembre 2006,

– vu le rapport sur les relations économiques et commerciales de l'Union européenne avec l'Inde (A6 0256/2006), l'avis exprimé par la commission du développement (2006/2034(INI) sur ce rapport, ainsi que les rapports du Parlement européen sur les droits de l'Homme de 2000, 2002, 2003 et 2005,

– vu la Recommandation générale XXIX (discrimination fondée sur l'ascendance) adoptée par le Comité de l'ONU pour l'élimination de la discrimination raciale le 22 août 2002, et les 48 mesures à prendre par les États signataires,

– vu l'étude actuellement réalisée par la sous commission de l'ONU pour la promotion et la protection des droits de l'Homme, qui vise à élaborer des principes et des directives pour éliminer la "discrimination fondée sur l'emploi et l'ascendance", et prenant acte du rapport préliminaire des rapporteurs spéciaux sur la discrimination fondée sur l'emploi et l'ascendance,

– vu les différentes dispositions inscrites dans la Constitution de l'Inde en vue de protéger et de promouvoir les droits des Dalits, qui concernent au moins 167 millions de personnes, notamment celles portant sur l'abolition de la pratique de l'intouchabilité, l'interdiction de la discrimination fondée sur l'appartenance à une caste, l'égalité des chances en matière d'emploi dans le secteur public, ainsi que la discrimination positive dans les domaines de l'éducation, de l'emploi et de la politique grâce à des quotas de postes dans des institutions publiques et des organes de représentation politique; vu également les nombreuses mesures législatives ordonnant l'abolition de certaines des pires pratiques de l'intouchabilité et de la discrimination fondée sur la caste, y compris le travail asservi, la récupération manuelle des déchets et les exactions à l'encontre des Dalits,

– vu la commission nationale des droits de l'Homme de l'Inde, les commissions nationale et des états pour les castes répertoriées et la commission nationale pour les Safai Karamcharis (chargée de la question de la récupération manuelle des déchets),

– vu que l'Inde est la plus grande démocratie existante dans le monde, dans laquelle chaque citoyen a un même droit de suffrage, que le tout dernier Président et chef de l'État était un Dalit et que des Dalits ont été ministres, et que certaines écoles de pensée hindoues rejettent la discrimination et l'exclusion fondées sur la caste, qui à leurs yeux constituent une aberration de leur foi,

– vu qu'il existe aussi des Dalits et d'autres groupes similaires au Népal, au Pakistan et au Bangladesh,

– vu l'article 91 et l'article 90, paragraphe 4, de son règlement,

A. considérant que la commission nationale des droits de l'Homme en Inde a conclu que la mise en œuvre de la loi relative aux castes et tribus répertoriées (prévention des exactions) demeure très insatisfaisante et qu'elle a publié de nombreuses recommandations visant à remédier à ce problème,

B. considérant que, bien que les Dalits soient l'objet chaque jour de 27 exactions officiellement recensées, la police leur interdit souvent l'accès aux postes de police, refuse d'enregistrer leurs plaintes et pratique régulièrement en toute impunité la torture à leur encontre,

C. considérant que, bien que de nombreux Dalits ne déclarent pas les crimes et délits dont ils sont la cible par peur de représailles de la part des castes dominantes, les statistiques officielles de la police sur les cinq dernières années montrent qu'en moyenne 13 Dalits sont assassinés chaque semaine, cinq maisons ou biens appartenant à un Dalit sont brûlés chaque semaine, six Dalits sont kidnappés ou enlevés chaque semaine, trois femmes Dalits sont violées chaque jour,11 Dalits sont roués de coups chaque jour et qu'un crime ou délit est commis à l'encontre d'un Dalit toutes les 18 minutes ,

D. considérant que selon une étude récente sur les Dalits dans l'Inde rurale , portant sur 565 villages de 11 États différents, dans 33% des villages les agents de santé publique refusent de se rendre dans les maisons de Dalits, dans 27,6% des villages les Dalits sont empêchés de pénétrer dans des postes de police, dans 37,8% des écoles publiques les enfants de Dalits mangent à l'écart, dans 23,5% des villages les Dalits ne reçoivent pas à domicile leur courrier et que dans 48,4% des villages l'accès aux ressources en eau leur est refusé en raison de pratiques ségrégatives et du système des castes,

E. considérant que la moitié des enfants Dalits indiens sont sous alimentés, que 21% d'entre eux souffrent d'insuffisance pondérale grave et que 12% meurent avant leur cinquième anniversaire ,

F. considérant que, dans les écoles, le système de l'intouchabilité conduit à un taux d'abandon et d'analphabétisme chez les enfants Dalits très largement supérieur à celui de l'ensemble de la population, que l'écart de taux d'alphabétisme entre Dalits et non Dalits n'a pratiquement pas varié depuis l'indépendance de l'Inde et que le taux d'alphabétisme pour les femmes Dalits ne dépasse pas 37,8% dans l'Inde rurale ,

G. considérant que les femmes Dalits, qui avec les femmes appartenant à des "tribus" sont les plus pauvres parmi les pauvres en Inde, doivent faire face à une double discrimination fondée à la fois sur la caste et sur le genre dans toutes les sphères de la vie, qu'elles sont victimes d'atteintes brutales à leur intégrité physique, y compris d'abus sexuels commis en toute impunité par les castes dominantes, et qu'elles sont exclues de la société et exploitées économiquement,

H. considérant que la commission nationale pour les castes répertoriées a constaté une sous affectation et une sous utilisation très nettes des ressources allouées en faveur de la protection sociale et du développement des Dalits dans le cadre du Plan spécial transversal pour les castes répertoriées du gouvernement indien,

I. considérant que les Dalits sont soumis au travail asservi et au travail forcé et qu'ils sont victimes de discrimination dans un certain nombre de marchés, notamment les marchés du travail, du logement, de la consommation, des capitaux et du crédit, qu'ils sont moins payés pour une durée de travail supérieure au reste de la population, que leur salaire leur est versé en retard et qu'ils font l'objet d'insultes ou de sévices physiques,

1. se félicite des diverses dispositions inscrites dans la constitution indienne pour protéger et promouvoir les droits des Dalits, relève néanmoins que, malgré cela, la mise en œuvre des lois protégeant les droits des Dalits demeure outrageusement insuffisante et que les exactions, l'intouchabilité, l'analphabétisme, l'inégalité des chances, la récupération manuelle des déchets, la sous rémunération, le travail asservi, le travail des enfants et l'absence de tout droit à la terre continuent à faire des Dalits indiens une population déshéritée;

2. s'inquiète du faible taux de condamnation des auteurs de tels crimes et délits et demande au gouvernement indien d'améliorer le système pénal indien afin de faciliter le dépôt de plaintes contre les auteurs de crimes et délits à l'encontre les Dalits, d'améliorer le taux de condamnation, de réduire sensiblement la durée des procédures judiciaires et d'adopter des mesures spéciales pour protéger les femmes Dalits;

3. se félicite de l'interdiction récente d'employer des enfants comme domestiques ou employés dans les cantines routières, restaurants, maisons de thé et autres, et exhorte le gouvernement indien à prendre de nouvelles mesures pour interdire totalement toute forme de travail des enfants;

4. demande au gouvernement indien de prendre des mesures d'urgence pour garantir l'égalité d'accès des Dalits aux postes de police et à toutes les autres institutions et enceintes publiques, y compris celles relevant de la structure démocratique de l'Inde comme les bâtiments des panchayats (collectivités territoriales) et les isoloirs;

5. se réjouit de la politique budgétaire conduite par la commission de planification indienne et par les différents ministères, qui ont alloué des ressources budgétaires en faveur de la protection sociale et du développement des Dalits, et demande au gouvernement indien de veiller à la mise en œuvre intégrale dans des délais déterminés de toutes les mesures politiques et budgétaires en faveur de la protection sociale et du développement des Dalits, y compris le plan spécial transversal en faveur des castes répertoriées;

6. exhorte le gouvernement indien à travailler de concert avec les organes de l'ONU chargés de défendre les droits de l'Homme afin d'éliminer effectivement la discrimination fondée sur la caste, notamment le comité pour l'élimination de la discrimination raciale et les Rapporteurs spéciaux de l'ONU chargés de mettre au point des principes et des directives pour l'élimination de la discrimination fondée sur l'emploi et l'ascendance;

7. demande au gouvernement indien de ratifier la Convention de l'ONU contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et de prendre des mesures préventives pour réduire le risque pour les Dalits d'être torturés, de légiférer afin de criminaliser la torture en Inde, de poursuivre et punir les agents de la force publique qui pratiquent la torture, d'assurer systématiquement la réinsertion des victimes de tortures et de les indemniser, ainsi que d'instituer un mécanisme indépendant, accessible aux Dalits, permettant aux victimes de tortures de déposer plainte;

8. relève avec inquiétude l'absence de démarches concrètes de l'UE auprès du gouvernement indien, notamment dans le cadre des sommets UE Inde, sur le vaste problème de la discrimination fondée sur la caste;

9. exhorte le Conseil et la Commission à soulever la question de la discrimination fondée sur la caste lors des sommets UE Inde et de toute autre réunion, dans le cadre de tous les dialogues au niveau politique, en matière de droits de l'Homme, avec la société civile, et en matière de développement et de commerce, et à informer les commissions concernées des progrès et résultats obtenus;

10. insiste pour que les membres européens du comité d'action conjoint intensifient le dialogue sur le problème de la discrimination fondée sur la caste dans le cadre de leurs échanges sur la démocratie et les droits de l'Homme, les politiques sociales et de l'emploi et la coopération au développement;

11. réaffirme qu'il attend des programmes de développement de l'UE en Inde qu'ils incluent des mesures spécifiques pour que des minorités comme les Dalits et les Adivasis, ainsi que d'autres communautés, tribus et castes marginalisées, soient en mesure de combler l'écart criant qui les sépare du reste de la population eu égard à la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement (OMD);

12. rappelle qu'il a exigé du Conseil et de la Commission qu'ils donnent la priorité à la promotion de l'égalité des chances dans l'emploi dans les entreprises basées dans l'UE et qu'ils encouragent ces entreprises à mettre en œuvre les "Principes d'Ambedkar" (principes en matière d'emploi et autre visant à remédier à l'exclusion économique et sociale, énoncés à l'intention de tous les investisseurs étrangers en Asie du Sud pour aider à combattre la discrimination fondée sur la caste);

13. se félicite de l'engagement pris par l'UE de développer les principes et directives pour l'élimination de la discrimination sur la base de l'emploi et de l'ascendance, élaborés par la sous commission de l'ONU pour la promotion et la protection des droits de l'Homme, et exhorte la Commission et le Conseil à continuer à appuyer cette action;

14. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission, ainsi qu'aux gouvernements des États membres, au Président, au gouvernement et au parlement de l'Inde, au Secrétaire général de l'ONU, au président de la sous commission de l'ONU pour la promotion et la protection des droits de l'Homme et aux directeurs de l'OIT et de l'Unicef, ainsi que de la Banque mondiale et du FMI.