iap_vig_5.jpgKadri Gopalnath, musicien chaleureux aux yeux pétillants de malice, ne pouvait qu’apporter du nouveau dans l’ancienne et vénérable tradition du sud. Fils d’un joueur de nadaswaram, il découvre le saxophone à quatorze ans lors d’un concert donné au palais de Mysore. C’est pour lui un choc : la sonorité de l’instrument le fascine et il ne le quittera plus, abandonnant le long hautbois familial pour faire du saxophone un instrument à part entière. Il se produit pour la première fois en France et c'est au Théâtre de la Ville des Abbesses que cela se passe...

tdlv_logo.jpgKadri Gopalnath aux Abbesses  Un vent d’air frais Venu du sérail des joueurs de nadaswaram, long hautbois emblématique des temples hindous de l’Inde du Sud, Kadri Gopalnath a soufflé un vent d’air frais sur le monde de la musique carnatique souvent trop figé dans des clichés. Ce vidwan* apprécié et respecté de tous les musiciens qui comptent, à l’esprit vif et aux yeux pétillants, parfois espiègles, a ce sourire malicieux qui donne du bonheur. Semblable à un petit diable sorti de sa boîte, il apparaît comme un magicien bonhomme, heureux de vivre et de le faire sentir. Pour lui, vivre et aimer se confondent et sa musique en est le pur reflet, comme sa démarche est celle d’une passion tenace qui le conduira aux plus infimes honneurs, dont le titre envié de Padmabushan. Le paradoxe de l’instrument Jouer le répertoire carnatique de l’Inde du Sud au saxophone était-ce une aberration et s’attirer un handicap rédhibitoire pour être accepté comme un maître? Kadri Gopalnath a mis vingt ans à obtenir la réponse !

Tout d’abord il lui fallait surtout se procurer contre vents et marées cet instrument un peu tordu, chamarré de clés étincelantes, si mystérieux. Un objet surréaliste qu’il découvrit, fasciné comme un gamin, en juin 1964, à l’âge de quatorze ans, en assistant à un grand concert de l’orchestre privé du maharaja de Mysore, capitale historique de l’État du Karnataka d’où il est originaire. Ce flamboyant ensemble de type occidental, le Mumudi Krishnaraja Odeyar, jouait surtout des mélodies indiennes, comme la plupart des fanfares de mariage. Ce ne sont ni le hautbois, ni la clarinette, ni la trompette, ni le violoncelle, ni la cornemuse, ni le trombone qui attirent l’adolescent : seulement ce saxophone alto dont il ne connaît même pas le nom… Kadri va donc trouver son propriétaire à la fin du concert pour lui poser toutes les questions : quel est cet instrument extraordinaire et comment se le procurer ? On lui donne l’adresse d’un fabricant indien à Hyderabad, ville lointaine du Kérala où il réside. Il écrit pour obtenir un catalogue et savoir combien il coûte (cher !) et comment le recevoir (par la poste et contre remboursement). Mais ce n’est pas tout. Il lui faut demander l’autorisation à son père, joueur de nadaswaram attaché au temple Shri Veera Vittala Venkataramana de Panemangalore près de Mangalore, sur la côte ouest. Kadri trouvait alors l’apprentissage de ce long hautbois bien fastidieux, mais il adorait la musique qu’il assimilait à toute vitesse. Fait surprenant, son père accepte qu’il s’essaye à un instrument étranger au temple, alors que les joueurs de nadaswaram sont les plus traditionnels des musiciens qui soient. Quelques mois plus tard, le saxo apparut enfin. Kadri se mit à souffler mais ne savait comment utiliser les clés… Aucun document à travers l’Inde n’était à sa disposition. Il dut tout réinventer et put maîtriser ses gammes au bout de trois ans…

kadri_1.jpgUn saxophone au son chaleureux Petit à petit, se faisant apprécier en jouant dans des temples et des petits clubs musicaux, il trace sa voie. On le demandait pour les mariages, ce qui le faisait vivre, puis des mélomanes s’intéressèrent à lui. Depuis, Kadri a fait du chemin. Il sait toucher toutes les générations par son sens inné de l’invention, sa science rythmique évolutive et un son captivant, tantôt souterrain, tantôt sensuel, suave et moelleux, parfois ivre de sonorités dignes d’un John Coltrane. Les anciens reconnaissent son adhérence aux canons essentiels de la musique carnatique avec sa vue élevée, brûlante et universelle. Les jeunes s’enthousiasment à voir la musique de leurs aînés suivre des chemins non encore explorés. Kadri joue d’un instrument de facture indienne, provenant d’un atelier qui fournissait les orchestres de l’armée anglaise, préférant ses sonorités à celles des saxophones occidentaux qu’il possède. Il se produit depuis des lustres avec la violoniste Kanyakumari (qu’on a déjà pu entendre au Théâtre de la Ville avec son ensemble instrumental Vadya Lahari), qui joue pour l’occasion sur un violon en fibre de carbone.

Pour le concert des Abbesses, notre vidwan est accompagné de la plus grosse percussion carnatique et de la plus petite : le robuste et redoutable tavil, épais tambour horizontal d’accompagnement du nadaswaram, et le moorsing, frêle guimbarde métallique, qui sont joués par les plus grands maîtres de ces instruments typiques du sud. Les frappes et les éblouissements rythmiques de Palanivel sont hors du commun. La subtilité et la dextérité (gutturale et labiale) de Rajashekar introduisent à l’ensemble une fraîcheur contrastée. Le programme est celui d’un concert carnatique tout à fait normal, où différentes compositions plus ou moins longues se succèdent après des soli introductifs, le Ragam- Thanam-Pallaviétant la pièce maîtresse.

* Vidwan: Maître (en musique) chez les Hindous (l’équivalent de Pandit et d’Ustad dans le sud). Cheikh s’applique aux musiciens musulmans du sud.

Discographie
• A Sojourn, avec violon, flûte, tabla, guimbarde
– Music Today CDC 0029
• Kadri Live, Entharomahanubhavulu, Ragam-Thanam-Pallavi, raga Chandrakauns et des compositions de Thyagaraja – Concert Series KOSMIC 3CD 1273D/83D/93D

Kadri Gopalnath Saxophoniste
Accompagné de :
Srimati Kanyakumari violon
A.K. Palanivel tavil
Rajashekar guimbarde

Samedi 14 Mai à 17h

Théâtre de la Ville Les Abbesses
31 rue des Abbesses
75018 Paris
www.theatredelaville-paris.com

Tarif
Normal 16 €
Réduit 11,5 €