iap_vig_5.jpgBénarès, berceau de la musique Unanimement considérés comme les chanteurs les plus remarquables de leur génération, les frères Rajan et Sajan Mishra sont issus d’une longue lignée de chanteurs et d’instrumentistes de la ville sainte et multimillénaire de Bénarès (Varanasi, creuset le plus ancien et le plus riche de la musique hindoustanie). La diversité des genres vocaux° pratiqués à Bénarès encore à ce jour est vaste, et le répertoire recèle une richesse inouïe de trésors que ces interprètes ont le talent de nous transmettre avec un art expressif consommé. Une conviction exemplaire porte au plus haut un chant épris de beauté où la spiritualité domine. Ils seront en représentation le 5 Juin au Théâtre de la Ville...

 

Des maîtres, des histoires, mais pas de distractions
Les frères étudient avec leur père Hanuman Prasad Mishra et leur oncle Gopal Mishra, joueur de sarangi, et se perfectionnent auprès du maître Bade Ramdas Mishra. Dans la ville du maestro Bismillah Khan (shanaï), les jeunes Mishra ont l’occasion d’entendre sur place les géants du khyalque sont Bade Gulam Ali Khan, D.V Palushkar, Ameer Khan, aussi bien que les plus grands instrumentistes apparus dans les années cinquante. Ils voient ces artistes passer de longues soirées dans la maison paternelle, avant comme après les concerts, engrangeant leurs anecdotes et commentaires pour mûrir leur savoir. L’apprentissage leur semble ainsi moins pesant et moins abstrait, la chaleur humaine et le rire rayonnant alentour. Les musiciens indiens, qui ont l’air si sérieux, adorent les blagues et se délectent  d’histoires burlesques qu’ils ne cessent de se raconter en tournée à travers le monde… Les frères Mishra ont tout le loisir de pratiquer jour après jour avant le lever du soleil et d’assimiler les compositions dans cette ville si ralentie où n’existent pas de distractions…

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Un sommet du duo vocal
Devenu célèbre à travers la diaspora indienne, le duo Rajan Sajan représente l’un des sommets actuels du chant khyal et peutêtre le plus original. Rajan et Sajan Mishra, qui se sont toujours produits en duo comme d’autres célèbres frères (Nazakat et Salamat Ali Khan, Dagar Brothers), chantent d’une même âme dans une dévotion totale à la déesse Saraswati, parèdre de Brahmâ, Mère des Vedas, très savante patronne de la Science, des Arts, de la Musique et de la Parole, dont un ragadu sud porte le nom. Il s’avère que les frères ont judicieusement adopté cette déesse pour lui rendre hommage, leur art combinant ces quatre éléments dans une vision élevée que vient servir une esthétique de la plus haute exigence.

Le recueillement perceptible dès qu’ils entrent, entonnant la récitation d’un mantra* propitiatoire, sur l’aire sacrée de la scène, symbole du centre du temple, annonce une forme de rituel dans lequel ils invoquent la bénédiction de la déesse tutélaire. Observant un strict respect des ragas et de leur personnalité intrinsèque, le duo ne s’interdit pas certaines altérations de notes pour produire des effets expressifs lorsque le sens poétique les y invite. Pourquoi se conformer à une syntaxe obligée quand on a su développer la vision d’un art total qu’on sait si bien faire partager ? Puisant dans un répertoire comprenant quelque deux mille compositions rayonnant d’une ferveur spirituelle, les frères Misra choisissent des thèmes provenant de l’hindouisme, dans lesquels Siva et Krishna sont le plus souvent les héros.

Du bara khyalau bhajan
Ils abordent le développement du raga tout au long du bara khyal, composition au tempo ultra lent, discrètement accompagnée par le joueur de tabla dont le rôle – important – est de jouer le tekha répétitif qui souligne la structure du cycle rythmique utilisé. Le bara khyal correspond ici à l’alap introductif (non accompagné de percussion). Cette première partie du raga apparaît comme une sorte de barattement d’où jaillissent deux compositions au tempo plus vif où la joie domine grâce à une rythmique éclatée.

De savantes improvisations mélodiques et rythmiques s’enchaînent, des séries de puissantes oscillations de notes surgissent ( gamak), les phrasés rapides fusent comme des flèches électriques (taan). Le raga se conclut sur un tarana explosif conçu comme un exercice rythmique jubilatoire. Viennent ensuite d’autres genres tels le thumree romantique ou le bhajan d’inspiration mystique. Chantant alternativement, les frères Mishra apparaissent comme les deux électrons d’un même atome, distillant une énergie commune, chacun avec sa vitesse, ses trajectoires en force ou en douceur et sa dynamique personnelle. Leur approche est celle d’un équilibre idéal entre l’art mélodique et la science rythmique. Considérant leur chant comme une prière, les frères Mishra déclarent chanter d’abord pour leur satisfaction. Le public, lui, est convié à une rare communion.

Musiciens
Daram Nath Mishra harmonium
Sanju Sahai tabla
Christian Ledoux

Discographie – Sense World Music
• Voices of the heart, Raga Saraswati
• Sadhana, Raga-s Hansadhwaniet Shahana Kanada

Dsadhana.jpgate et Heure
Lundi 5 Juin à 20h30

Tarif
Normal : 16€
Réduit : 11.50€
Abonnés : 10€

Lieu
Théâtre de la Ville
2 place du Châtelet
75004 Paris
Métro Chatelet
Tél. 01 42 74 22 77

Liens utiles
Site du Théâte de la Ville
Site de Sense World Music

° Les genres vocaux pratiqués à Bénarès : dhrupad et dhamar anciens, khyal classique (XVIIIe siècle), tarana à l’allure flamboyante où sont chantées des syllabes rythmiques, thumree romantique, kajri populaire, tappa (joyau qui concentre dans une unique composition toutes les richesses mélodiques et rythmiques), holi et chaiti, liés au charme du printemps.